Entre son rêve et sa famille, Jo Wright a été contraint de choisir

Article du Nouvelliste du 31 janvier 2019 par Adrien Délèze

Le Jamaïcain du BBC Monthey-Chablais est condamné à l’exil suite à une décision du président Trump. En choisissant de signer au Reposieux, il s’est coupé des siens.

Deux mètres 02 sous la toise, plus de 100kilos de muscles, des tatouages sur la majeure partie du corps et des cheveux afros dressés sur la tête; Joel Wright n’a pas vraiment les prédispositions naturelles d’un homme qui veut passer inaperçu. Et pourtant, durant la majeure partie de sa vie, le Jamaïcain a vécu dans la clandestinité.

Débarqué à New York pour y rejoindre sa famille alors qu’il n’avait que 9 ans, le jeune garçon traverse son enfance et son adolescence dans l’illégalité. «J’ai toujours essayé de ne pas faire de bruit», confie le joueur du BBC Monthey-Chablais. «De travailler dur à l’école et au basket pour obtenir mes diplômes et grimper les échelons en silence.»

Une Mission que Joel Wright a accomplie en obtenant un bachelor en marketing et en signant son premier contrat pro avec les Stampede de l’Idaho en D-League (ndlr: ligue d’entrée vers la NBA). «Le basket m’a toujours ramené dans le droit Chemin et il a fait de moi un bosseur au grand cœur.»

Obama met fin à la clandestinité

Un grand cœur qui, grâce à l’arrivée au pouvoir de Barack Obama voit son statut de clandestin se régulariser en 2012. Le président démocrate introduit le programme «DACA» qui permet à «Jo» et aux autres jeunes dans sa situation d’obtenir un permis de séjour et un numéro de sécurité sociale.

Moyennant certaines conditions: être arrivé aux Etats-Unis avant l’âge de 16 ans, être présent sur le territoire sans interruption depuis 2007 et ne pas avoir eu affaire à la justice américaine. Des conditions que l’ailier chablaisien remplit. «Je m’étais toujours tenu le plus loin possible des problèmes», affirme-t-il. «Je savais très bien qu’en Jamaïque je n’aurais aucune chance de réaliser mon rêve de devenir basketteur professionnel.»

Le Valais comme terre d’exil

Du bout de ses longs doigts, Joel Wright touche donc son rêve. Mais en mars 2018, son monde s’écroule. Devant la montée de l’insécurité sur le territoire américain, la réponse de Donald Trump n’est autre que la suppression du programme «DACA». Emportant dans sa chute une bonne partie des rêves de l’enfant de Brooklyn. Un dilemme s’impose alors à lui: demeurer auprès des siens et faire une croix sur le basket ou quitter New York et rejoindre l’Europe? Sa famille parvient à le retenir une première fois alors que le championnat belge lui tend les bras, mais son rêve est tellement fort qu’il finit par traverser l’Atlantique pour rejoindre le Reposieux l’été dernier.

En sachant que cette décision le condamnait à l’exil loin des siens. «Cette pensée m’habite tous les jours», confesse le numéro 7 du BBC Monthey. «Mais j’essaie de la garder le plus loin possible de mon esprit et de me concentrer sur mon basket.»

Une deuxième famille à Monthey

Chose plus facile à dire qu’à faire, lorsque l’on sait que durant près de deux mois et demi, le mercenaire de 29 ans a été Chose plus facile à dire qu’à faire, lorsque l’on sait que durant près de deux mois et demi, le mercenaire de 29 ans a été éloigné de la compétition par une blessure au ménisque. «J’ai vécu au fitness durant une grande partie de ma rééducation. C’était dur pour moi parce que lorsque je me suis blessé j’ai senti certaines parties de mon corps me lâcher.»
Et le Jamaïcain «a travaillé dur pour ne plus jamais être habité par cette sensation».

Loin de sa famille de sang, il a trouvé refuge auprès de la famille Udressy qui s’est investie pour l’aider à maintenir le cap psychologiquement et physiquement. «Bien sûr que ce ne sera jamais pareil qu’à la maison, mais ils m’aident à devenir un homme meilleur et donc un meilleur basketteur. Je les considère comme ma deuxième famille.»

Une famille qui lui a offert un cadeau de Noël qui dépassait toutes ses espérances en faisant venir sa mère durant une dizaine de jours à Monthey. «Cela a été une surprise énorme. Tous les enfants aimeraient voir un sourire pareil sur le visage de leur maman.» Mais ce sourire, Joel Wright n’est pas certain de le revoir avant des mois. «La déception est tellement grande que j’évite ce sujet. Rentrer chez moi semble impossible pour l’heure. Mais j’ai la foi et j’espère qu’un jour une décision tombera en ma faveur.»

Joel Wright: «Je ne suis pas là pour le show, c’est juste ma passion pour ce sport qui transparaît» 

Tel un lion en cage attendant patiemment l’heure de son repas, Joel Wright a attendu son retour au jeu le long de la ligne de touche. Durant deux mois et demi, le Jamaïcain a été un spectateur – très expressif – des performances de ses partenaires. «En regardant ces matchs de l’extérieur, j’ai compris certaines choses sur l’équipe», affirme l’ailier des Sangliers. «J’ai étudié notre façon de jouer et essayé de comprendre ce que je pourrais apporter en plus.»

Et ce «plus» se situe peut-être dans le «moins» pour le showman du Reposieux. «Je ne suis pas là pour le show, je laisse simplement transparaître ma passion pour ce sport», coupe-t-il. «J’ai compris que le plus important n’était pas de marquer des points, mais de gagner.» C’est d’ailleurs ce qu’il ambitionne de faire pour la suite de la saison. «Je me suis aperçu que beaucoup d’autres gars dans l’équipe pouvaient prendre des responsabilités. D’une certaine manière cela retire une partie de la pression que je me mettais sur les épaules.»

Cependant, il n’y a pas que sur le parquet que «Jo» a entamé de nouveaux efforts. «J’ai fait en sorte de prendre soin de mon corps en faisant également des efforts sur mon alimentation lors de ma longue période de rééducation.» Et qui dit nouveau basketteur, dit également nouvel homme. «Les deux sont liés pour moi. Je sais ce que je dois aux personnes qui m’entourent ici et je veux les en remercier en ayant un comportement exemplaire sur et hors du terrain», conclut l’ailier du BBC Monthey.